Quand l'obscurité devient lumière
Il y a des livres qui se lisent comme on entrouvre une porte, et d’autres qui s’imposent comme une plongée en apnée. À l’aveugle, de Fanny Chambert, appartient à cette seconde catégorie. Dès la première page, on comprend qu’on ne sortira pas indemne de ce récit qui brouille nos repères et nous oblige à ressentir autrement.
Ici, la lumière n’est jamais garantie. On avance dans l’histoire à tâtons, au rythme des silences, des souvenirs qui se fissurent, des vérités qui émergent malgré nous. FANNY Chambert a ce talent rare : celui de captiver sans jamais donner toutes les clés. On lit, on devine, on se perd — et c’est précisément ce qui rend le roman si puissant.
Ce qui frappe avant tout, c’est l’écriture. Fine, poétique, vibrante. Elle a la douceur d’une caresse et, parfois, la brutalité d’un éclat. Chaque mot compte, chaque silence pèse. Elle écrit comme on respire dans l’ombre : avec intensité,urgence,une sensibilité qui touche juste.
Les thèmes qu’elle explore — la perception, la mémoire, les non-dits, la quête de vérité — sont universels. Mais elle les aborde avec une subtilité qui évite le cliché, préférant suggérer plutôt qu’imposer. Résultat : le lecteur devient acteur, il complète les zones d’ombre, il éclaire ce que l’autrice laisse volontairement dans la pénombre.
Lire À l’aveugle, c’est accepter de lâcher prise. De ne pas tout comprendre tout de suite. D’entrer dans un récit où l’intime se mêle à l’universel, où la fragilité humaine devient une force littéraire. Et lorsqu’on referme le livre, une chose est sûre : on n’oublie pas cette voix, ni la façon dont elle a su nous troubler.
Un roman à lire d’un souffle, puis à relire lentement, comme pour apprivoiser ses zones d’ombre.
Publié le 24 septembre 2025