Roman fleuve qui flirte avec l'âge d'or des sagas familiales américaines.
Regine Bouché s'attaque à un genre un peu oublié, la grande saga familiale fleuve, et se permet la revisite de tous les codes du genre, depuis le patriarche rigide et manipulateur jusqu'à la matriarche qui renaît de ses cendres, en passant par l'enquête qui souligne les indiscrétions et les mensonges de la famille, et les tentatives de meurtre visant à déstabiliser un empire. Et elle le fait plutôt bien !
Fille cachée de la famille Stanton, Amélie débarque dans la ville qui dépend du magnat de l'immobilier et de la finance, Michael Stanton. Patriarche dur et rigide, il est à la tête d'une famille dont il tire toutes les ficelles, mais il est aussi ce père qui ne sait rien d'elle. L'arrivée de la jeune femme correspond à un drame qui vient frapper la famille, et la placer au coeur d'une enquête qui ne va rien leur épargner. Dans l'oeil du cyclone, elle fait la connaissance et se rapproche d'Evans, et avec lui, essaie de percer à jour le mystère Stanton.
Premier tome potentiel d'une saga de plusieurs romans, Stanton et ses secrets s'aventure dans le genre fleuve de la saga familiale, et l'autrice se permet avec facilité de revisiter ses codes et ses piliers. On arrive tête la première dans une famille digne de la série Succession (HBO), où les enfants tentent de faire bonne figure devant leur père, mais auraient vite fait de se tirer dans les pattes dès celui-ci le dos tourné. Stanton pose les fondations de gens qui ont la richesse, le pouvoir, les ressources et l'arrogance qui incombe au rang qui est le leur, incarné à merveille par Rachel, qui fait bonne figure de méchante qu'on se plaît à détester, et dont les manipulations nous donnent envie de rejoindre les rangs d'Amélie et Evans. En ce sens, le roman parvient tout à fait à nous faire sortir de nos gonds, briser nos petits coeurs de lecteurs, et nous prendre de compassion pour les personnages. Le genre est parfaitement respecté, le contrat rempli.
Il y a un aspect particulièrement saisissant : la capture de l'océan, et le principe miroir de l'environnement sur les états d'âmes d'Amélie. Elle se sert du bord de mer pour appuyer ses émotions, sa tristesse, sa confusion, et les descriptions amènent un effet percutant, offrant un écrin parfois triste et mélancolique, parfois la promesse d'une romance avec Evans, et parfois même la menace qui plane. C'est très bien vu. L'océan est écrit dans la continuité d'Amélie.
Quelques petits regrets : le manque de différenciation dans les voix des personnages brouille un petit peu les pistes, et il manque un vrai contexte pour appuyer le retour de la mère.
Enfin, la fin répond elle aussi à des codes du genre : une résolution partielle, avant un autre mystère en forme de cliffhanger. Le procédé marche très bien, et laisse le lecteur en besoin de saison deux. L'autrice sait quoi faire !
Pour conclure, un premier tome prometteur, de très beaux éléments, et quelques défauts perfectibles. Surveillons l'autrice de près, elle pourrait nous surprendre très vite !
⭐ Les notes en détail
Ils sont nombreux, et si au début il est difficile de s'y retrouver, on trouve nos marques après quelques dizaines de pages. Les voix des personnages manquent un peu de personnalisation.
Il y a une vraie volonté de capturer et rendre l'ambiance de bord de mer, avec ce qu'elle a de romantique et de doux, mais aussi de déchaîné et de menaçant. Cela donne une impression de miroir quant aux problèmes des Stanton. C'est efficace !
Le style de l'autrice est fluide, assez imagé, elle se sert assez bien des champs lexicaux. Attention à bien différencier les voix des différents personnages, pour faciliter leur identification.
C'est peut-être ici que le roman perd en clarté : les rebondissements sont parfois trop peu exploités. Par exemple, je trouve qu'on manque de contexte pour replacer le retour d'entre les morts de la mère, et que le passé de Rachel n'est pas assez exploité pour expliquer qui elle est devenue. En revanche, impossible de s'ennuyer, le rythme général est enlevé et rapide.
On rentre vite dedans, et si la variété des personnages peut rendre la lecture un peu moins fluide au début, on parvient après quelques dizaines de pages à se laisser porter...Et à ne pas vouloir y aller en vacances ! Il s'y passe des choses dangereuses...
En reflet quant au commentaire sur l'intrigue, certains éléments manquent de structure pour être parfaitement intégrés au contenu général. Notamment, une fois encore, le retour de la mère qui mériterait un approfondissement. Dans le second tome, qui sait ?
On rentre vite dans le roman, et le style de l'autrice se parcourt vite. Petits regrets quand à la diversité de personnages, qui font qu'on s'y perd un peu au début. Mais les codes de la saga familiale sont respectés, et l'ensemble est assez solide.
Publié le 13 septembre 2023