En installant son intrigue entre juin 1998 et 2021, Eliza June Parr tisse un polar psychologique d’une rare maîtrise. À Girnois, « ville sans histoires », une disparition fissure les certitudes. Vingt-trois ans plus tard, de mystérieux messages rouvrent les plaies et relancent une enquête qui flirte avec les cold cases et les dérives sectaires. Résultat : un page-turner tendu, atmosphérique, impossible à lâcher. Ce qui séduit d’emblée, c’est l’art du cadrage : chapitres courts, alternance des voix et des époques, précision des détails du quotidien qui ancrent la fiction dans un réel palpable. La petite ville devient un personnage à part entière ses non-dits, ses hiérarchies, ses loyautés troubles. Les figures centrales (Louise en 1998, Jessica en 2021, et les silhouettes plus opaques qui gravitent autour d’un groupe fermé aux airs de secte) sont dessinées avec justesse : jamais caricaturales, toujours humaines, parfois terriblement ambiguës. La tension monte par paliers, sans esbroufe : chaque révélation éclaire la précédente et prépare la suivante. On sent une autrice qui connaît ses codes (thriller, enquête, roman noir) mais les utilise pour servir l’émotion et la vérité des personnages, pas l’effet gratuit. L’écriture est claire, fluide, élégante ; les dialogues sonnent juste et la construction garde le lecteur dans une douce apnée jusqu’aux dernières pages. En bref Un polar psychologique fin et addictif, porté par une structure redoutablement efficace, des personnages nuancés et un sens aigu de l’atmosphère. À recommander aux lecteurs de romans noirs contemporains, aux amateurs de petites villes aux grands secrets et à tous ceux qui aiment les enquêtes aux résonances intimes.